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  • Terre des Hommes France

À la rencontre de Stéphane, maraîcher en permaculture

Aux Jardins Du Puyrajoux, en Vendée, les pratiques visent à "guérir la terre et nourrir les hommes" à travers la permaculture. La production de légumes s'insère dans l'écosystème spécifique au lieu. Stéphane Castanié, maraîcher, a répondu à nos questions pour notre dernière newsletter.

“La permaculture consiste avant tout à prendre soin de l'Homme, de la terre et de redistribuer équitablement les surplus.”

Stéphane, maraicher en permaculture

Peux-tu présenter ton exploitation et nous dire quand les jardins du Puyrajoux ont-ils vu le jour ?

Tout d’abord, je m’efforce constamment d’éviter le terme “exploitation”. Lorsque j’ai entrepris de m’installer, mon objectif n’était pas du tout d’exploiter, mais plutôt de “vivre avec” la terre. Quand on me pose la question, je préfère simplement parler d’un jardin.


Quant aux Jardins du Puyrajoux, ils ont été créés le 1er janvier 2020 et s’étendent sur 7 hectares. 1,5 hectares sont dédiés à des vergers-maraîchers, comprenant arbres fruitiers et légumes, tandis que 5 hectares sont réservés à une agroforesterie comprenant des arbres fruitiers, de l'espace pour le foin, et à terme, peut-être des poules pondeuses.

De plus, nous disposons d'un bâtiment utilisé à la fois comme atelier et point de vente pour nos produits et d’autres produits locaux.


Enfin, s’il y a bien une phrase pour résumer la vie de nos jardins, c’est de produire des légumes sains pour les habitants de Venansault et ses alentours.


Les jardins du Puyrajoux

Les jardins sont fondés sur les principes de la permaculture. Peux-tu nous détailler cette philosophie et nous expliquer comment vous l'appliquez concrètement ici ?

La permaculture est souvent associée au jardinage, mais elle repose en réalité sur une éthique de vie. On évoque souvent la "fleur de la permaculture" qui englobe 7 domaines de la vie, dont l'environnement. Pour moi, la permaculture consiste avant tout à prendre soin de l'Homme, de la terre et de redistribuer équitablement les surplus.


Aux Puyrajoux, nous minimisons notre dépendance au pétrole, aux machines et produits chimiques tout en favorisant le bien-être humain en incitant l’adoption d’outils ergonomiques et productifs.


Nous croyons en la capacité d’un sol non perturbé pour favoriser la croissance des plantes. Nous pratiquons également l'association de cultures en plantant différents légumes ensemble pour qu'ils se complètent. Par exemple, la plantation de radis et de carottes simultanément permet aux radis de conserver la fraîcheur du sol, bénéfique pour les carottes.


Enfin, nous nous efforçons à rétablir l'équilibre de la chaîne alimentaire. En plantant 3000 arbres, nous avons favorisé la diversité végétale et, par conséquent, le retour de la diversité animale. Nous avons installé des nichoirs et des mares, favorisant la présence d'animaux utiles comme les grenouilles, un anti-limaces redoutable !






Qu'est-ce qui t'a motivé à opter pour cette approche agricole durable ?

Après avoir suivi des études en ressources humaines et travaillé pendant un certain temps en CDD, j'ai perdu le sens de mon travail, ce qui m’a poussé à envisager un changement. Deux évènements m’ont particulièrement marqué. Pendant une conférence intitulée "Vivre ses utopies," une sociologue a souligné que le regret le plus courant chez les personnes en fin de vie était de ne pas avoir osé. Je me souviens aussi d'un agronome soulignant le paradoxe de vouloir une bonne santé tout en consommant des aliments malades et assistés.

Ces évènements ont questionné mes utopies et la philosophie de la permaculture est apparue comme une évidence. La priorité était de me former, car je n'avais aucune expérience en jardinage.


Quels avantages apporte la permaculture d'un point de vue individuel ?

Lorsqu’on utilise des pesticides, on se protège en portant des gants ou des masques car on connaît les dangers pour notre santé. Avec la permaculture, nous effectuons toutes les tâches manuellement, on utilise du fumier frais et c’est un bonheur de sentir et toucher la terre. Tout cela nous incite à cultiver davantage l'humilité, car les méthodes conventionnelles cherchent à imposer une culture à une nature que nous ne pouvons pas contrôler.


Et pour l’environnement, quels sont les avantages ?

C’est tellement puissant ! A noter que même dans les systèmes maraîchers biologiques, l'utilisation de sulfate de cuivre a un impact dévastateur sur la biodiversité, tuant non seulement les champignons et toute forme de vie. Si l'on compare un sol soumis aux méthodes traditionnelles, à celui que nous cherchons à créer, la différence est saisissante. D'un côté, on a une terre vide, et de l'autre, une terre riche, abritant des cloportes et des vers ! Un autre point essentiel, c'est que nous accumulons une grande quantité de carbone en plantant des arbres et en évitant de retourner le sol. C’est très précieux.


Mais l'objectif n'est pas de pointer les systèmes traditionnels, nous comprenons les contraintes qui leur sont associées. Notre priorité est de mettre en avant l'efficacité de nos méthodes, qui nous permettent souvent d'obtenir des rendements bien supérieurs aux prévisions. Grâce à notre travail manuel, nous maximisons l'espace en s’adaptant au vivant. Par exemple, les poireaux nécessitent des espacements en quinconce de 20 cm, une précision impossible à atteindre avec des tracteurs.


Et quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans la permaculture ?

Pour le foin, nous dépendons d'un agriculteur voisin équipé d'un tracteur, car faucher 5 hectares à la main serait difficile. Nous envisageons l'utilisation de la traction animale à l'avenir. Mais la principale préoccupation demeure la durabilité de notre activité en raison de la sollicitation physique qu'elle implique. En dehors de ces points, nous n'éprouvons pas de difficultés majeures.


Face à la propagation de maladies ou d'insectes qui menacent certaines cultures, les agriculteurs conventionnels ont souvent recours à des traitements qui peuvent endommager l'ensemble des cultures. Comment faites-vous face aux infestations ici, dans vos jardins ?

En agriculture traditionnelle, l'apparition de maladies conduit généralement à l'utilisation de traitements, même en agriculture biologique, comme le cuivre pour lutter contre le mildiou. Ces traitements ne sont pas sélectifs et ont un impact négatif sur l'ensemble de la vie du sol, y compris des champignons bénéfiques. Dans nos jardins, nous cherchons à multiplier tous les champignons, ce qui réduit la place disponible pour le mildiou. Cette maladie prospère dans des conditions de forte humidité et de températures élevées alors nous travaillons sur des pratiques qui favorisent la ventilation.


Concernant les pucerons, nous attendons patiemment l’arrivée des coccinelles, un prédateur naturel. Une fois leur arrivée, les coccinelles éliminent les pucerons et se multiplient dans nos jardins, contribuant probablement à prévenir de futures infestations. Notre approche repose sur l'observation et la compréhension de la nature.


En ce qui concerne la gestion de l'eau, un sujet essentiel dans l'agriculture aujourd'hui, comment gérez-vous cette ressource dans vos jardins ?

Un autre avantage majeur, nous consommons beaucoup moins d’eau. Nous maintenons constamment une couverture végétale (paillis) sur le sol, comme du foin, ce qui limite considérablement l'évaporation de l'eau présente dans le sol. Sur les deux premières années, pour une surface équivalente à un système traditionnel, la consommation d'eau était estimée à 3000 m³ par an. La première année nous n'avons utilisé que 1200 m³, et la deuxième année, 1400 m³.


De plus, nous collectons l'eau à l'aide de gouttières et de drains, puis la stockons dans une grande réserve d'eau. Tout au long de l'année, nous prélevons l'eau de cette réserve.


Vous menez plusieurs actions impliquant la communauté locale. Quelle est la raison qui t’a poussé à les faire participer ?
Les jardins du Puyrajoux

Au-delà de la production de légumes, nous souhaitons ouvrir nos portes au plus grand nombre comme des enfants de 3 ans jusqu'à la fin de la vie. Nous accueillons des écoles et des entreprises, et proposons des activités pratiques et ludiques. Nous sensibilisons ainsi non seulement les adultes de demain, mais également ceux d'aujourd'hui, en leur montrant qu'il existe des solutions concrètes pour protéger notre environnement.




Comment envisages-tu l'avenir des Jardins du Puyrajoux et de la permaculture en général ?

Pour les jardins, nous sommes confiants car nous avons doublé notre chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente. Les gens, ici, ont compris que ces jardins représentent bien plus que du bio. A l’avenir, nous envisageons d'accroître notre autonomie en développant nos propres plants.


D'un point de vue plus global, je suis aussi optimiste car nos formations fonctionnent et démontrent un intérêt croissant pour l’environnement. En Vendée, nous observons l'émergence de nombreuses micro-fermes.


Cependant, je suis conscient que notre jardin ne serait pas en mesure de nourrir une grande ville. Néanmoins, je suis convaincu de l'importance de promouvoir la création de réseaux de micro-fermes autour des zones urbaines. Cette transition devra être abordée progressivement, et plus nous serons nombreux à y contribuer, moins le fardeau sera lourd pour chacun.



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