En France, une sécheresse préoccupante qui pourrait devenir habituelle
Après un été 2022 passé sous le signe des épisodes de sécheresse, l’hiver 2023 nourrit les inquiétudes sur la situation des sols en France. En effet, le niveau des nappes phréatiques dépend de la quantité d’eau qui y rentre par infiltration et qui en ressort. Lors de la “période de recharge” qui s’étend de septembre à mars, le niveau des nappes phréatiques augmente car les précipitations sont plus importantes, l’évaporation de l’eau au sol est faible et la végétation ne prélève pratiquement pas d’eau. Après cette période cruciale de recharge, les nappes phréatiques se vident progressivement jusqu’à atteindre leur niveau le plus bas à la fin de l’été, avant de se recharger à nouveau.
Or, cet hiver, la France a connu un record de 32 jours consécutifs sans pluie notable. Les précipitations du mois de mars ont arrangé la situation des sols superficiels. En revanche, les réserves d’eau souterraine demeurent inférieures à leur niveau normal à cette période de l’année. Actuellement, selon Météo France, 80% des nappes phréatiques du pays sont à un niveau bas ou très bas (contre 50% avant la sécheresse de 2022).
Carte de la situation des nappes phréatiques au 1er avril 2023 (© Bureau de Recherches Géologiques et Minières)
Si l'assèchement des sols touche l’ensemble du territoire métropolitain, certaines régions comme le Roussillon, l’Aude et les Pyrénées-Orientales sont particulièrement concernées. En témoigne l’incendie qui a ravagé plus de 930 hectares de végétation dans les Pyrénées orientales le 16 avril. La saison des feux, qui commence normalement au mois de juin, est très précoce cette année. Ces évolutions font craindre un été 2023 particulièrement difficile, marqué par l’assèchement des cours d’eau, des difficultés d’approvisionnement en eau potable, et des risques d’incendies importants.
Face à une telle situation, le gouvernement a annoncé le 30 mars son “plan eau”. L’objectif est d’anticiper la sécheresse de cet été pour éviter de nouvelles pénuries d’eau. Pour cela, un “écowatt de l’eau” sera notamment mis en place d’ici le mois de mai. Il s’agit d’un outil permettant de mesurer la consommation d’eau par rapport aux ressources disponibles. Le plan du gouvernement prévoit également la mise en place d’une planification de l'eau afin de faire 10% d'économies d’eau dans tous les secteurs d’ici 2030. Autre mesure phare : atteindre l’objectif de 10 % de réutilisation des eaux usées d’ici 2030, alors que moins de 1 % de ces eaux sont aujourd’hui réutilisées.
Une mobilisation nécessaire pour une problématique globale
Le Groupe Intergouvernemental d'Experts sur l'Evolution du Climat (GIEC) affirme que l’évolution actuelle du climat provoque des sécheresses plus fréquentes et plus extrêmes. Un rapport publié par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification en mai 2022 estimait à 2,3 milliards le nombre d’individus plongés dans un état de stress hydrique en 2022, c’est-à-dire que les ressources en eau à leur disposition sont inférieures à leur demande.
A cela s’ajoute également un coût économique, les pertes subies à cause du manque d'eau ayant atteint 124 milliards de dollars sur la période 1998-2017. En effet, cette ressource est essentielle au fonctionnement des industries et à la viabilité des récoltes. Dans un contexte de croissance continue de la population mondiale, une telle menace pesant sur l’agriculture questionne notamment sur l’avenir de notre alimentation.
Face à la sécheresse, les enfants et les jeunes sont particulièrement vulnérables. En effet, le rapport onusien estimait à environ 160 millions le nombre d’enfants victimes de périodes de sécheresse sévère et prolongée leur ayant fait subir des pénuries d’eau en 2022. Si des mesures ne sont pas prises, en 2040, un enfant sur quatre devrait vivre dans une région où la ressource en eau disponible sera extrêmement faible.
De plus, même si la sécheresse est présente sur tous les continents, elle possède des intensités et des fréquences plus ou moins élevées selon les endroits. Entre 1970 et 2019, le nombre de morts associés à la sécheresse s'est élevé à 650 000 victimes. Néanmoins, selon le GIEC, la mortalité due à la sécheresse a été jusqu’à 15 fois plus élevée dans les Etats du Sud au cours de la dernière décennie. Or, il s’agit des Etats qui contribuent le moins aux émissions mondiales de gaz à effets de serre.
Carte de l’indice mondial de vulnérabilité à la sécheresse en 2022 (© Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification)
Le GIEC estime néanmoins qu’une adaptation est possible, à condition de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Un article de Nature Climate Change publié en 2018 estime qu’au moins un quart de la surface de la Terre deviendrait "considérablement" plus sèche, même si l'objectif de maintenir le réchauffement en deçà de 2°C est atteint. En revanche, si l'humanité parvient à contenir le réchauffement sous 1,5°C, cette "aridification" serait épargnée à deux-tiers des terres concernées par un scénario à 2°C. Il est donc primordial d’agir sans délai pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Sources
AFP, “Un quart des terres plus sèches en cas de hausse des températures de 2°C”, Connaissance des énergies, 2 janvier 2018, consulté en ligne le 19 avril 2023
COSSARDEAUX Joël, “Climat : la sécheresse menace la majeure partie de la planète”, Les Echos, 11 mai 2022, consulté en ligne le 24 avril 2023
SHANCHEZ Léa, DAGORN Gary, “Sécheresse : pourquoi l’état des sols et des nappes phréatiques inquiète encore”, Le Monde, 13 avril 2023, consulté en ligne le 19 avril 2023
“6e rapport du GIEC : quelles sont les conséquences réelles du changement climatique ?”, Réseau action climat France, 28 février 2022, consulté en ligne le 19 avril 2023
URL :
“Emmanuel Macron dévoile son «plan eau» face au changement climatique”, RFI, 30 mars 2023, consulté en ligne le 19 avril 2023
“Incendie dans les Pyrénées-Orientales : le feu maîtrisé après avoir ravagé plus de 900 hectares de végétation”, Le Monde, 17 avril 2023, consulté en ligne le 19 avril 2023
“Sécheresse : 32 jours sans pluie en France, record battu”, Météo France, 22 février 2023, consulté en ligne le 19 avril 2023
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